28 septembre
Les hipsters barbus s’esclaffent en terrasse, comme tous les samedis. Ils sont partout. « Je ne raserai ni les murs ni ma chatte », proclame un graffiti sous la passerelle, Charlotte se sent moins seule. Nadia l’a convaincue de se rendre à une manifestation consacrée à un compositeur de musique contemporaine, « Je n’y connais rien en musique contemporaine – Ça te plaira, tu verras, il y aura aussi de la danse – Je n’y connais rien en danse contemporaine – Je croyais que tu avais fait une école d’art ? – Rien à voir, et puis j’ai arrêté – Eh bien recommence, il y aura des gens intéressants, je te présenterai ». Les musiciens sont reconnaissables à leurs cheveux, les danseurs à leur façon de tendre le cou. Ils ne lui semblent pas très intéressants, trop soucieux d’une saine alimentation. Le bâtiment est en béton brut, on dirait un parking qu’on aurait exhumé de sa fonctionnalité originelle. Nadia est introuvable, les textos ne passent pas. Charlotte s’assied dans un amphithéâtre à côté d’une femme qu’elle ne tient pas particulièrement à côtoyer. Mais elle ne tient pas non plus à s’asseoir délibérément à un siège de distance. Le noir se fait, on applaudit le pianiste qui s’avance, plaque ses premiers désaccords. Le siège où Charlotte a choisi de ne pas s’asseoir s’effondre d’un coup, on rallume la salle pour vérifier que personne n’est mort. Charlotte constate que son pied n’a pas été écrasé sous dix kilos de métal rembourré, il s’en est fallu de deux centimètres. « C’est le fantôme de Karlheinz ! » rit quelqu’un. Nadia est sur la terrasse, elle sirote un diabolo avec un couple. L’homme porte un catogan, à un moment il va s’acheter une salade au bar. Charlotte l’accompagne, à un moment elle l’embrasse. Ça lui suffit, elle ne l’entraîne pas aux toilettes. Peut-être ne fera-t-elle pas l’amour de tout l’an 1. Elle repart à pied par le canal, les familles en bas âge font du vélo.