23 septembre
Lucie lui téléphone depuis son travail, elle tient à lui faire part de ce qu’elle a appris sur l’inventeur des open-spaces, le mec était un genre de nazi américain. Ça corrobore, non ? Elle est excitée, elle parle fort, Charlotte imagine que le message est également à destination de ses collègues. Lucie ne peut pas s’attarder mais elle en profite pour lui rappeler qu’elles sont invitées le lendemain à un concert de jazz par le frère du batteur qui se trouve être un pote de son ex – Charlotte perd le fil, ça lui semble louche. Demain c’est son anniversaire, Lucie le sait, elle sait aussi que Charlotte n’apprécie pas particulièrement le jazz, donc si c’est une stratégie pour lui organiser une fête-surprise elle est assez foireuse, à moins que ce ne soit justement la subtilité de la chose. « Je sais pas trop », dit-elle pour tâter le terrain. « Tu viens, tu ne discutes pas », décide Lucie, et Charlotte n’avoue pas qu’elle préférerait cette année ne voir personne le jour de sa naissance.
Pas vraiment open mon espace, se dit-elle en parcourant du regard son appartement après qu’elle a raccroché. Encombré surtout, d’affaires non rangées, de poussière, d’affiches sur les murs et de photos. Des cartons de photos remontés de la cave et qu’elle ne se résout pas à trier. L’unique fenêtre est si parsemée de traces de pluie qu’elle tamise la lumière du dehors comme un surcroît d’années déposées dans la pièce. Ma vie est devenue sépia, pense Charlotte. En bas, JC discute avec une dame et son chien. Lui s’y connaît en matière d’open-space, et d’encombrement aussi, adossé à un empilement de fringues de récup’ tassées dans des sacs. Bientôt neuf mois qu’il s’est installé là, tout le quartier le connaît, il entame sa quatrième saison. Charlotte ne lui a jamais demandé sa date d’anniversaire.