12 septembre
Cette chambre d’hôtel est parfaite. Rien à y redire à la lumière du jour. Rien de particulièrement glauque, pas de coulures sur les murs, de moisissures dans la douche, de poussière sur les voilages. La fausse lithographie est discrètement abstraite et marronnasse, le lit surtout est un bonheur. Tu voudrais l’emporter chez toi, son matelas ferme, sa couette moelleuse… Mais tu y reviendras au soir, d’abord vivre la journée. Tu te retrouves face à l’embarras de choisir parmi mille deux cents places, comme la veille tu te poses à l’orchestre côté jardin. Tu te lèves, essayes d’autres angles, te dégourdis les jambes, te rassieds. Tu prends des notes, tu bois de l’eau. Tu sors déjeuner. Tu regardes, tu écoutes, tu penses. Tu prononces un seul mot intelligible, qui sonne comme un oracle : « Inévitable ». Tu rassembles tes affaires, tu repars. Il fait jour au-dehors. Cette ville ne te dit toujours rien mais tu ne préfères pas la télévision. Tu te fais l’effet d’un représentant de commerce en tout début de carrière, au moment où il pourrait encore s’épargner un destin d’abruti scotché devant les chaînes d’info. Ou bien expert en points chauds où boire et payer pour du sexe. En trois heures tu ne rencontres personne, exceptée une vieille dame qui veut t’offrir le Nouveau Testament et le salut éternel. Il y a une fête techno en haut de Fourvière, la vierge est toute dorée des derniers rayons du soleil. Au retour les pizzerias fument du néon. Ta chambre paraît moins sordide quand tu l’éclaires avec les deux lampes de chevet et celle du petit bureau. Et quand tu fermes les yeux tu ne vois plus clignoter la diode rouge du détecteur d’incendie.