16 septembre
Binh-Dû revient et il est héroïque, comme il se doit. Dommage que personne ne le remarque vraiment. Pourtant il a dit « Aïe » en fronçant les sourcils quand il a entrepris de soulever une batterie automobile à peine moins lourde que sa voiture en panne et qu’une veine a claqué dans son index. Cela commençait mal, comme pour tout début de bravoure. Ensuite il a tenté de feinter les vigiles du centre commercial pour prendre la poudre d’escampette avec un chariot, malgré le pictogramme collé sur les portes coulissantes. Prêt à feindre l’innocence s’il était arrêté (dans le parc voisin, une petite fille regardant un panneau d’information comprenait que c’était interdit aux vélos, aux chiens, aux ballons et aux… fleurs ?). Mais pour ne pas brûler ses vaisseaux (et ce doigt qui continuait à lancer !), il a remisé son chariot et tenté le coup avec un déambulateur porte-paniers en plastoc. Il est sorti par les escaliers où personne n’imaginait qu’il aurait l’audace de se risquer. Bravo ! Ensuite il a marché pendant des kilomètres sous le soleil brûlant, dépassé une valise à roulettes, gravi une montée à fort pourcentage, contourné des pavés et des nids de poule. Une fois à destination, il s’est avisé que sa pince multiprises ne serait pas l’outil adéquat dont il avait besoin. Ne reculant devant aucune témérité, il a débauché un garagiste occupé non loin qui l’a tiré d’affaire. Et c’est ainsi qu’il a pu repartir glorieusement, et noblement rapporter dans son coffre le porte-paniers au parking du centre commercial.
Tu aimerais bien raconter ton exploit à ton amie de cœur, mais c’est un effet de votre rupture que les non-partages désormais vont s’accumuler. D’un coup, tu ne te sens plus le moins du monde héroïque.