Pour rencontrer une personne de connaissance il suffirait de s’en remettre
au hasard, marcher dans les rues d’une ville théâtralisée l’été. Ou non. Déjà
bien beau si l’on arrive à se repérer entre les siècles superposés sans avoir besoin de demander l'heure. Le
pont écroulé au mitan du fleuve attire inexorablement les promeneurs.
Demi-tour obligatoire, les pas
mènent ensuite à l’impasse du musée, au bout du parvis papal. Depuis les
salles, par les fenêtres, on aperçoit encore le fleuve, une autre forteresse,
sans doute des arbres surplombant un jardin où une chanteuse aux pieds nus
inspecte ses plantations, accompagnée de ses enfants.
A l’intérieur, les gardiens
sourient davantage que les vierges de miséricorde. Tant d’affliction sous les
dorures. Le temps long commence à se hâter, car dans un café non loin s’attable
auprès de sa grand-mère un jeune homme barbu, qui fut un enfant intimidé par
son oncle avant d’être perdu de vue durant une quinzaine d’années.
Sa bonne amie est encore plus
jeune et ses ongles sont rouges comme la douceur et la joie, s’il te plaît, ne
me vouvoie pas ! supplie l’oncle. Ils sont beaux. Les
croiser dans une autre ville, à des milliers de
kilomètres d’ici, doit toujours être un heureux hasard. Ou un souvenir imprécis.
Car l’histoire initiée se
perpétue, tel le don d’une bague ayant appartenu à
l’arrière-arrière-grand-mère. Hors du café, la question revient de l’autosuffisance.
Des cases ont été cochées, mourir maintenant serait moins désolant. Le manque a
été élevé au rang de la joie. Mais qu’en est-il du désir démarqué du
besoin ?
[merci toujours et
encore à Camille]