Dieu est un
concept imprécis, précaire et obstiné. Il fait loi parmi d’autres lois
humaines. Mais si nous aimons rêver grand, nous préférons voir petit. Nous, les
sédentaires. Qu’importe le nombre de pièces, au final demeure un enserrement de
murs, un plafond, un plancher. Même un jardin n’y change rien, même une
terrasse ouverte sur le ciel, c’est toujours la sécurité qui nous tient.
Binh-Dû étire ses membres en travers du lit. Si sa tête était d’une forme plus
allongée il pourrait se prendre pour une étoile. Il rêverait à en désarticuler
la cause de tous ses pincements (oh, cette nuque si raide !), il
délaierait les acidités dans l’écume lactée de l’amour sans souci. Il se
réveillerait au moment qui lui plairait, ainsi qu’on change de position – par
préférence. Tout changerait d’un coup s’il rencontrait une jambe distincte des
siennes : Dieu passe le relais dès lors que nous sommes deux. Parés pour
le voyage, redressés, debout, un pas à tour de rôle dans le monde extérieur. Si
je penche trop tu me retiens, si c’est toi qui penche je me redresse.
L’équilibre vient en marchant, jusqu’à l’audace d’inventer sa trace. Binh-Dû
est si solitaire qu’il en oublie souvent qu’on l’aime.