Faudra-t-il
se résoudre aux fantasmes ? Le corps alangui dans la douceur de l’été ne
suffirait-il plus ? Ce regard singulier, ce désir, cet esprit et cette
âme. Mais le regard déjà ouvre l’imagination, quel que soit le lieu, un lit
approprié, une clairière tapissée de mousse tendre sous les frondaisons, un
repli de dune. L’autre n’est jamais seulement lui-même (et reste à découvrir
qui moi-même je suis). L’autre est un découvert autorisé, sous conditions, un
interdit modulable. Un animal sauvage qui consent à se laisser approcher, mais
qui pourrait changer d’avis. À moins que l’animal sauvage, ce ne soit moi. Ou
que tous deux nous soyons sauvages et animaux, ou que nous soyons humains, nous
serions frère et sœur. Nous serions deux amants engagés ailleurs. Une main
posée sur la peau inconnue redéfinirait le corps tout entier, donnerait
naissance instantanée. La chair serait indéfectiblement inconnue, comme une
promesse d’éternité. Puis tout se joindrait en un éclair de connaissance. Ce ne
serait pas jouissance encore, mais prémices de plaisir suprême. Il y aurait
même un zeste de revanche que cela ne gâterait rien ; l’exercice du
pouvoir est une résolution.