jeudi 26 juillet 2018
26 juillet
Binh-Dû se dit parfois qu’il est maudit. Mais Binh-Dû sait qu’il est le protégé béni des dieux. Et il sait qu’il vaut mieux savoir que se dire. Plus précisément, que la connaissance prime le récit. L’amour entre deux êtres prime à peu près tout. (L’à peu près n’étant qu’une marge de manœuvre comme pencher le visage du côté droit plutôt que gauche, descendre un bras par ci, remonter l’autre par là ; ou plus conceptuellement une concession minime faite à la prudence, contre la flamboyante exaltation des sentiments.) Sous la voûte du pont, le chant de la flûte s’harmonise avec celui de la rivière. Et sur le plateau aride ouvert aux vents (n’étaient les rangées de châtaigniers), les abeilles affairées contournent les intrus de passage, tout est à sa place, transitoire, mémorable, immédiat. Même les adieux sourient à l’avenir autant qu’au passé, apportant au moment une densité confiante. La ville peut bien étaler sa laideur, les voitures s’agréger en une file inepte. La maison familiale peut bien offrir un havre joyeux de retrouvailles. Et les vignes familières redessiner leurs courbes. Binh-Dû se dit parfois qu’il est chanceux.