Vers
l’élévation si longtemps retardée, si tôt pressentie.
Un
enfant prépare son sac de survie.
Un jeune
homme épuisé pousse un caddie rempli de bières et d’alcools forts.
Une
scientifique égraine un chapelet de déroutes.
La fin
du monde aurait déjà dû se produire, nous qui sommes nés sommes des survivants.
Des rescapés. Et nous faisons comme si tout n’avait pas été écrit. Dans la
Peugeot Diesel attendait un nuage épais de fumée de cigarette, la portière claquée
soulevait le cœur. Le bavardage dur, la mollesse du moteur, les virages mal
amortis. Dans la maison les verres propres portaient des traces de doigt sur
leur pourtour et l’on mangeait du foie ou de la cervelle. La nuit, des mains palpaient
la chair tendre – cauchemar ? Dans le train, les fenêtres à guillotine
s’ouvraient trop peu pour qu’on y passe un torse, même fluet, les autobus s’arrêtaient
aux passages piétons qu’on traversait en courant. L’école était un cadrage pour
l’idiotie, la sienne propre, celle des autres, l’idiotie des autres était plus
valable que la sienne propre – qui était imbécilité. Les journaux poissaient
les mains d’une encre humide. Et l’on se demandait pourquoi.
La
tempête est d’abord une respiration.
Puis
vient le chat sur les genoux, le thé fumant sur la table basse.
Un
bibliothécaire éclate de rire face au chaos – Chut, on travaille !
Tu ne
veux surtout pas envisager ton agonie.