Que fait le boucher, rit-il également ? Le silence pour
la plupart des gens n’est pas un prérequis, et nous ne savons plus avec
évidence distinguer le chant du rossignol de celui du merle. Tant qu’il y aura
des arbres en ville, la nuit… Tu as quitté l’île et tu le regrettes déjà ;
la réalité, est-ce cela : des histoires de travailleurs, des sursauts de
désir épuisé ou exaspéré, des désolations individuelles choquées dans la
multitude ? D’invisibles accumulations aux yeux qui ne voient plus ?
Ce qui t’apporte de la joie questionne la nature de ta joie. La poussière
elle-même n’est pas exclue ; non plus que les scénarios désastreux.
Contenus par des enclos de barrières métalliques, les sapins décharnés exposent
au regard des enfants leur déchéance, y a-t-il un père Noël pour tolérer
cela ? Y a-t-il un danseur pour slalomer entre les épines et déraper sur
de la fausse neige et des déchets de polystyrène ? Tu dis Pardonne-moi, mes tendons sont blessés et
mon âme à mi-hauteur seulement de la beauté de la tienne, tu dis Je viens de voir un chat écrasé dans la rue
et je n’ai pas su quelle émotion me traversait, tu dis Je ne peux m’empêcher de craindre qu’une seconde de patience soit une
seconde gâchée, et elle te répond : « Ne t’inquiète pas, je
connais la grandeur de ton urgence ». Alors tu ris comme un boucher ou un
bibliothécaire et tu n’ajoutes pas de dernier mot.