La nostalgie d’une impossibilité : un jardin inépuisable, à
parcourir sans peine et sans souci. Tends la main, que vienne s’y déposer ce
dont tu as besoin. Les seules résistances rencontrées sont celles que tu
souhaites, auxquelles tu as pris goût – une attente peut-être, afin de mieux
jouir, ou la gravité terrestre avec laquelle tu as appris à marcher. Il y a
d’autres animaux plus ou moins semblables à toi en ce lieu. Y compris des êtres
humains, y compris Alma quelque part si c’est bien elle qui a cultivé la
parcelle en contrebas des tours. Où est-elle à présent ? Pourquoi
aurait-elle disparu ? Lui est-il arrivé malheur ou bonheur – ces questions
n’ont pas cours. Tu ne ressens plus le besoin de t’inquiéter à partir d’une
absence de réponses. Toi-même, tu as cessé d’être un sujet de questionnement. Tu
continues de chercher mais par simple appréciation de la vertu d’une telle
attitude. Le sens moral s’est allégé de sa propre pertinence – jusqu’à preuve
du contraire tu es seul ici. Et dans ta solitude tu vas d’émerveillement en
émerveillement, chaque pulsation de ton cœur est signe de joie. Pourtant :
si tu devais revenir à la réalité des possibles, un hurlement issu du plus
profond de toi serait à même de fendre le ciel.