Tu es
reconnaissant pour la prescience. À tel point que tu en rirais presque, car la
science est loin de t’intéresser autant. Tu aurais fait de beaux rêves sous un
ciel vierge de présence humaine, tu te serais perdu joyeusement au fond de
paysages non tracés, tu aurais été un père prolifique et innocent. Non,
sérieusement, ce qu’il te reste, c’est la connaissance du pire. Si tu rigoles,
c’est un effet de ta nervosité, le meilleur aussi est une bonne blague. Ta
dernière vision ramènera à ta mémoire un visage parmi d’autres, et peut-être
pas celui auquel tu te serais attendu. Le son d’une voix éteinte ou éloignée,
des mots improbables, des gestes. La simplicité même d’un arbre, d’une
vaguelette se brisant sur la plage, d’un nuage. Une douleur aiguë, sait-on, tel
un signe de connivence. Tu t’es beaucoup trompé pourtant. Toujours de la même
manière (cette fois si quelqu’un rit ce n’est pas toi). Tes intuitions étaient
excellentes mais déplorable était le niveau de ta confiance. En l’être aimé un
absolu, en soi le néant : comment, dans ces conditions, entrer dans la
danse ? Tu fermes les yeux. Tu écoutes.
Et
soudain le sol danse pour toi.