lundi 8 juillet 2019

8 janvier


                Au matin, une nouvelle fois, tout est pardonné. La honte n’a plus cours, les courbatures s’ébrouent joyeusement, animales. Il a envie de courir malgré la faim, de rire en dépit de l’oubli et de l’absence d’avenir. Il se souvient de tempêtes lors desquelles mourir n’était plus une perspective si rebutante, valait mieux peut-être qu’une éternité de tremblements. Il se souvient de nuits où il n’était plus qu’un œil ouvert dans la pénombre, à attendre qu’un influx nouveau vienne redéfinir les contours et la matière même de son corps. Il se souvient d’avoir eu peur de l’effarante quantité de jours qu’il lui revenait de vivre – tant que cela ! tellement plus qu’il n’en avait vécu ! comment parviendrait-il à tenir si longtemps ? Il se souvient avoir failli, croyant devoir.
                Et puis l’errance. La découverte de l’humilité, le voilage des miroirs. Ceci n’est plus de l’ordre du souvenir mais de l’allègement. L’horizon vers lequel tu marches, toi qui n’es plus que mouvement à l’intérieur d’un corps, absorbe les vaines perspectives. Tu sais de quoi tu souffres mais tu en jouis non moins, et rien ne te manque aussi cruellement que lorsque tu espérais résoudre un jour tous tes problèmes. Il y a des noix de coco tombées au pied des arbres, et un ruisseau d’eau pure, et des fruits, et probablement des tubercules sous la terre. Il y a les plantations d’Alma (s’il n’a pas rêvé). Des réponses multiples à des questions élémentaires. Si c’était un jeu, Binh-Dû en contournerait les règles pour se promener inlassablement sur un territoire exempt d’aventures.