mardi 16 juin 2020

et les abeilles feraient miel de toute fleur


16 août

Et les abeilles feraient du miel de toutes les fleurs d'une altitude moyenne et profuse. Le matin, tu en reprendrais dans le pot, à la lame d'un couteau, pour en mettre sur ton pain. Le soleil ne taperait qu'au-dehors, tu regarderais le ciel sans aucune peur depuis ton côté de la fenêtre, et sur une antédiluvienne platine tu placerais le disque d'un enregistrement des rhapsodies de Brahms. Il y aurait de l'eau aussi, puisée dans le puits du jardin ou à une autre source claire. Un livre peut-être, évoquant un monde en sursis mais qui fut beau jadis et qu'il t'est offert d'arpenter tel un visiteur venu du futur. Quelle chance tu as, ne cesses-tu de te répéter, les lapins bondissent dans les clairières, l'un d'eux bientôt roussira dans la cocotte avec des rattes venues elles aussi du jardin. Ce droit de prédation animale, tu le concèdes à ceux qui te nourrissent, sur tes jambes une enfilade de piqûres d'insectes. À l'heure de la sieste tu te connectes avec le vaisseau en circulation stationnaire dans l'espace. Comment allez-vous ? Ils ne répondent pas, occupés à de plus vastes soucis. Mais toi, comment vas-tu ? Un sourcier méditatif repositionnes tes organes de manière à ce qu'ils n'empiètent pas les uns sur les autres ni ne se pressent trop contre les barreaux de ta cage thoracique. Tu laisses faire, tu laisses agir, les yeux clos sur l'azur de souvenirs anciens – tu n'étais même pas né. Un fou n'avait pas encore eu l'idée du moteur à explosion. Sur les vignes une aura horizontale accompagne ton retour à la maison, chacune des cellules de tes muscles réclame de l'eau, encore de l'eau. Tout ton royaume connecté pour un verre d'eau ! Et un fourmillement sous le diaphragme, le soir tombe de plus en plus vite. Tu prêtes attention où tu poses le pied, près du banc de la lectrice - ta mère - sur la falaise. Tu ramasses de petits cailloux oblongs, insoupçonnables de former planète, et tu en bouches les trous de guêpe dans le sol. Un petit garçon écrase les sauterelles rouges au moment où elles se posent, tu ne te trouves rien de commun avec lui, tu le plains. La nuit, un rythme monolithique traverse les collines, depuis le village où l'on jette les filles dans le canal pour les repêcher, seins collant au chemisier. Tu fermes tes oreilles et rêves d'ailleurs.