8 août
Premier jour.
Personne ne t’a vu dans le Vercors. Tu ne savais même
pas que tu t’y trouvais, exténué après des heures de voiture à mariner dans le
jus des nouvelles canicules. Ou bien tu perds la mémoire ? Ou tu es moins
résistant ? "Avant", il faisait moins chaud, te semble-t-il, "avant" tu aimais conduire, et ton bras gauche prenait des coups de
soleil. Avant, il suffisait de quelques kilomètres sur l’autoroute dès la
sortie de Paris, traversant les bois de Saint-Cloud, et tu poussais un cri de
joie, et vraiment tu étais heureux. Hier, tu as pris une autre autoroute, et tu
as fait étape chez une amie. Déjà il faisait trop chaud, mais vous avez mangé un
kebab. Tu l’as accompagnée dans un bar à bières, où Bashung chantait "La nuit je mens". Tu prévoyais le lendemain d’atteindre la Vanoise
et d’y courir, enfin, comme "avant". Mais le lendemain se traîne
dans la chaleur et le trafic automobile ; le Vercors est là, à
un saut de falaise. De l’habitacle tu t’extrais, tu t’échappes, plein sud
dans la forêt, finir le jour. Non, personne ne t’a vu, ou alors sans incidence,
tu es revenu à la nuit. Tu as vu le soleil descendre sur une vallée perdue,
c’était beau à pleurer. As-tu pleuré ?