lundi 8 juin 2020

personne ne t'a vu dans le Vercors


8 août
Premier jour.

Personne ne t’a vu dans le Vercors. Tu ne savais même pas que tu t’y trouvais, exténué après des heures de voiture à mariner dans le jus des nouvelles canicules. Ou bien tu perds la mémoire ? Ou tu es moins résistant ? "Avant", il faisait moins chaud, te semble-t-il, "avant" tu aimais conduire, et ton bras gauche prenait des coups de soleil. Avant, il suffisait de quelques kilomètres sur l’autoroute dès la sortie de Paris, traversant les bois de Saint-Cloud, et tu poussais un cri de joie, et vraiment tu étais heureux. Hier, tu as pris une autre autoroute, et tu as fait étape chez une amie. Déjà il faisait trop chaud, mais vous avez mangé un kebab. Tu l’as accompagnée dans un bar à bières, où Bashung chantait "La nuit je mens". Tu prévoyais le lendemain d’atteindre la Vanoise et d’y courir, enfin, comme "avant". Mais le lendemain se traîne dans la chaleur et le trafic automobile ; le Vercors est là, à un saut de falaise. De l’habitacle tu t’extrais, tu t’échappes, plein sud dans la forêt, finir le jour. Non, personne ne t’a vu, ou alors sans incidence, tu es revenu à la nuit. Tu as vu le soleil descendre sur une vallée perdue, c’était beau à pleurer. As-tu pleuré ?