25 août
Jour 18
Ah oui, et puis il a rencontré une
fille aussi, qui ressemblait à une pianiste, leurs genoux nus se sont
effleurés, elle l’a suivi quand il s’est extirpé d’un mauvais spectacle. Il a
essayé de lui faire comprendre combien il était un type formidable, mais comme
elle lui racontait en retour, et contre toute logique, qu’elle allait retrouver
son copain, il a affirmé que cela tombait bien, lui-même partait dans la direction opposée, il avait rendez-vous. Le lendemain, les jambes sont lourdes à l’assaut du puy. Pas
pour tout le monde, des gens commentent, il y a toujours des gens. Leurs
conversations sont assommantes. Tu te souviens, elle te disait « J’aurais
besoin de silence maintenant », et vous marchiez ainsi longtemps, paisibles…
jusqu’au prochain désir d’échanger des mots.
Les nuages blancs donnent de l’ombre
aux arbres qui l’ont bien mérité. Les gypaètes survolent la vallée sans un
battement d’aile, une marmotte lance des avertissements stridents. Une symphonie
de clarines résonne au gré de la rumination des vaches. À chaque pas, vingt
sauterelles s’envolent et heurtent tes mollets (tu les chasses ; si elles
prenaient le goût du sang humain, qu'adviendrait-il de nous ?). Et ces
nuées de fourmis volantes, de quoi se nourrissent-elles ? Un
extraterrestre surgi du cosmos s’extasierait, puis il découvrirait la dynamique
de destruction en cours sur cette planète, puis il apprendrait que les hommes
connaissent l’importance des forêts et pourtant les déciment, puis il
repartirait , dégoûté, il reviendra quand tout sera à recommencer.
Où sera Binh-Dû ? Il mange une
banane exotique. Un taureau couché sur le chemin se lève à son passage. Un
chien de camping placide se déplie soudainement. Sur ses paupières la nuit
tombe en douceur.