11 août
Quatrième jour.
Par les chemins tu cherches un visage comme un
paysage. Tu cherches le paysage d’un visage intrigué. Cette curiosité-là. Dans
le visage chercher ; le paysage embrasser. Dans la montagne les femmes les
plus belles sont accompagnées. Il y a trop de monde, des gens plus ou moins
laids qui descendent depuis le parking-bar-restaurant aménagé au col, alors que
toi tu montes. Tu voudrais plus de solitude pour mieux goûter le paysage. Tu
marches et ça se refuse encore – l’exaltation – comme un encrassement des sens
– la vue, l’ouïe, l’odorat, ce n’est plus comme "avant". (Mais tes
rêves récurrents d’une randonnée parfaite ne recouvrent pas non plus une
réalité.) Il te faudrait l’altérité d’un regard à côté du tien, ses
émerveillements, des étonnements neufs. Et pourtant, ce que tu préfères dans la
montagne c’est toi. Ton corps dans la montagne, ces sensations après lesquelles
tu cours. (Et non, tu n’aimes pas de
cette façon ! Ce qui te plaît chez l’autre c’est qu’elle ne soit pas une
montagne.) Ce qui te plaît dans l’inconfort c’est d’être capable de te dégager
de la peur de l’inconfort. Tu apprécieras d’avoir accompli une semaine un tant
soit peu aventureuse. (Tiens, le patou a bondi sur une marmotte et lui a
déchiqueté la gorge.) Ta puissance recherchée n’est autre chose que de la force
vitale, une tonicité vibratoire. Un esprit de jouvence ? À flanc de
montagne tu t’assieds, contempler tel un berger le passage du temps – les
nuages ; les pentes douces et abruptes, le lac, les forêts de pins en
contrebas. Tu écoutes les clarines des chèvres parmi les moutons, leur
vastitude. Tu respires des odeurs ambrées-sucrées.