jeudi 11 juin 2020

tu cherches un visage comme un paysage


11 août
Quatrième jour.

Par les chemins tu cherches un visage comme un paysage. Tu cherches le paysage d’un visage intrigué. Cette curiosité-là. Dans le visage chercher ; le paysage embrasser. Dans la montagne les femmes les plus belles sont accompagnées. Il y a trop de monde, des gens plus ou moins laids qui descendent depuis le parking-bar-restaurant aménagé au col, alors que toi tu montes. Tu voudrais plus de solitude pour mieux goûter le paysage. Tu marches et ça se refuse encore – l’exaltation – comme un encrassement des sens – la vue, l’ouïe, l’odorat, ce n’est plus comme "avant". (Mais tes rêves récurrents d’une randonnée parfaite ne recouvrent pas non plus une réalité.) Il te faudrait l’altérité d’un regard à côté du tien, ses émerveillements, des étonnements neufs. Et pourtant, ce que tu préfères dans la montagne c’est toi. Ton corps dans la montagne, ces sensations après lesquelles tu cours. (Et non, tu n’aimes pas de cette façon ! Ce qui te plaît chez l’autre c’est qu’elle ne soit pas une montagne.) Ce qui te plaît dans l’inconfort c’est d’être capable de te dégager de la peur de l’inconfort. Tu apprécieras d’avoir accompli une semaine un tant soit peu aventureuse. (Tiens, le patou a bondi sur une marmotte et lui a déchiqueté la gorge.) Ta puissance recherchée n’est autre chose que de la force vitale, une tonicité vibratoire. Un esprit de jouvence ? À flanc de montagne tu t’assieds, contempler tel un berger le passage du temps – les nuages ; les pentes douces et abruptes, le lac, les forêts de pins en contrebas. Tu écoutes les clarines des chèvres parmi les moutons, leur vastitude. Tu respires des odeurs ambrées-sucrées.