22 août
Aurillac 1er jour
Mais penser "amour" ne te réussit pas
forcément. Binh-Dû est plus à l’aise avec cette notion, du moins c’est ce qu’on
attendrait de lui - censé baigner dans la félicité. Et voici qu’une femme
armée d’un fusil à eau, venant à sa rencontre l’asperge, il lève les bras en
l’air comme pour demander grâce ou que des feuilles lui poussent. Le soleil
fait trop chaud, va-t-en chercher de l’ombre et cache-toi. Attention, des
soldats patrouillent dans les rues et leurs fusils-mitrailleurs te visent d’un
éclat métallique. Attention, un vigile te tend une pince à linge numérotée en
échange de ton sac - il a deviné, il sait qui tu es, il connaît ton engeance.
Et pourtant, nul besoin de te pincer, tu crois à la magie. Binh-Dû imagine que la
danseuse, la comédienne, l’acrobate sont ses filles, lui-même change de sexe et
des larmes de fierté lui montent aux yeux. Une enfant s’agrippe à la corde
lisse, « Tu n’y arriveras pas », dit son grand-père,
« Bravo », dit Binh-Dû. Un jeune homme dégingandé boxe les panneaux
publicitaires en carton et lui demande où est le stade de rugby. Une jeune femme à
paillettes lui grille la politesse à la baraque à truffade. Un homme fatigué
laisse tomber sa cendre sur le dos de son chien. Que, par ailleurs, demeure indicible la grâce, murmures-tu de toi à toi ; c’était un jour 1.