13 août
Sixième jour
Être vivant – ce privilège. De la respiration, du pas
sur la Terre, du paysage qui se déploie. La vision même est trop grande pour
tes yeux. Plus bas, sur la croix du calvaire, tu lis la destinée enjointe aux
habitants de ce pays : ce sera la souffrance du saint, du pénitent ou du
révolté (cette dernière étant franchement déconseillée). Sur une photographie
vieille de plus d’un siècle tous les visages semblent hébétés, méfiants,
stupides. Choisis ta souffrance ! Mais la souffrance sans doute était
réelle au sein de l’indifférente beauté des alpages. Ou bien non ? Y
a-t-il encore souffrance quand on devient de son vivant un saint ? Le
baiser magique sur le genou de la petite fille est réellement magique. ET UN
JOUR VOUS LE SAUREZ ! Un unique coup de tonnerre. Apposer la main, fermer les yeux, inspirer, respirer… Guérir. Seules
les chèvres portent des clochettes. Impossible de donner tort au berger qui te considère
avec mépris, toi qui n’es pas d’ici. Ton métier ne consiste pas à engraisser
des moutons dans le but de les mener à l’abattoir. Mais tu es de nature
discrète, un peu sauvage et réprobatrice, vous pourriez être frères. Si les
gens étaient moins bruyants ils ne te feraient pas tant préférer être seul. Ils
croient que le silence se situe entre la solitude et la mort, et jusque près du
ciel ils viennent vous emmerder, toi et les marmottes, tu regardes loin pour t’épargner
leurs taches floues. Tu ramasses des pierres fractales dont tu lestes ton sac.