10 août
Troisième jour.
Seul ça ne sert à rien. Tu voudrais la grâce d’un
nouvel engouement, tu voudrais un nouveau désir. Tu pourrais continuer
longtemps sur ce thème. Ou alors raconter le faon qui bondit à ton approche sur
le sentier escarpé ? Le taon qui attend à la fontaine de te piquer à la
gorge ? (Le paon qui, précipité dans ces parages par un vortex
d’assonances, se ferait bouffer par les marmottes ?) Raconter le patou qui
aboie en bordure de son troupeau, impossible à corrompre. Raconter la bouse où
ne tombe pas ton bob envolé, où tu t’étales en te baissant pour le ramasser,
raconter les vaches que le vent ne décorne pas alors qu’il te fait presque
tomber (une seconde fois) sous leurs sabots. La montagne est rude, elle est
douce aussi, raconter la beauté des forêts, des vallons, des prairies
d’altitude, les senteurs de milliers de fleurs. Les nuages changent, tu
voudrais plus ou moins d’ombre, tu auras ce qui viendra et ce sera bien ainsi.
Tu seras d’accord. Seul ça ne sert à rien mais tu n’es pas aussi seul que tu le
crois. Toutes celles dont tu te souviens marchent avec toi. Si présentes. À
certaines, parler, avec d’autres se taire. Tu
les aimes de les avoir aimées, ces pensées essaimées est-ce aimer ?
Oui, définitivement. Et traversant des champs dorés, penchés par le soleil
couchant, tu redescends.