Aurillac
Jour 3 bien entamé, un homme dort sur un matelas posé à même le trottoir. Son bras allongé effleure une bouteille de bière couchée sur une palette, goulot ouvert. Quand tu baves c’est que vraiment tu as sommeil. Tu va pisser sur des mauvaises herbes tel un clodo indésirable. Le ciel terriblement bleu réchauffe ton pain au chocolat. Quand tu retournes à ton habitacle, l’homme a traversé la rue avec son matelas, du côté du mur à l’ombre. La palette est dressée contre le mur au soleil, comme on range son studio. Plus trace de la bouteille, encastrée dans un rangement secret ? Il est ici question de courage. Tu finis ta viennoiserie, bien calé dans le siège conducteur. Les clés dans une poche, le portefeuille dans l’autre, tu rejoins la foule. Tu déboutonnes ta chemise sur ton torse nu, eux n’ont pas de chemise. Certains marchent pieds nus. Pour rien au monde tu ne t’offrirais à l’aiguille d’un tatoueur. Tu parcours la ville d’une pastille à l’autre, ton programme annoté à la main. Dans une cour passante a été accroché un hamac entre un cerisier et une grille de rez-de-chaussée, son occupant sourit aux habitants et aux festivaliers. Un bonnet de rastafari est posé à l’envers sur le sol, des pièces et un billet de dix euros en dépassent. « Vous devriez prendre ce billet, ou vous allez devoir garder les yeux rivés sur lui », conseille une dame. « C’est vous qui avez les yeux rivés sur lui », constate-t-il, plus proche de la tristesse d’un Christ que de l’alacrité d’un Diogène. Pendant ce temps des comédiens travaillent, certains dotés d’une surhumaine présence de corps et d’esprit, mais ceci est une autre histoire de courage. Tu as passé un tee-shirt par-dessus ta chemise, tu avais un peu froid. C’est la fin, les batucadas persistent. Tu t’emmaillotes dans ton sac de couchage et t’en vas rêver d’exploits insensés et de liberté.