15 août
8ème jour ?
Le son d'une bassine en
plastique vide tombant sur du carrelage, et tu pourrais te mettre à pleurer
aussi bien. Ou pire, ce serait pire, des pleurs sans joie, terrifiés, sangloter
à genoux sur le carrelage et savoir comme pour la première fois que les cœurs
cessent un jour de battre, à commencer (ou à finir) par le tien. Comme une
révélation. Qu'y faire ? Comment faire, sachant cela ? Pourquoi faire encore
quoi que ce soit ? Tu aurais oublié d'un coup tous tes autres savoirs.
Au contraire tu rêves :
tu es sur une plage face à la mer et peu à peu enfle une vague immense
éclipsant l'horizon, lointaine encore, assombrissant le ciel. Tu cours vers la
forêt, tu cours vers l'océan, tu cherches un rocher pour t'y abriter, tu
regardes, fasciné, la vague progresser, tu ris des choix dérisoires qui te sont
laissés. Tu vas être englouti et tu ris, tu es heureux, tu es ivre comme
l'autre jour dans la montagne, tu appelles l'eau de toutes les cellules de ton
corps.
Ici les tomates sont
légendaires. Elles viennent de Russie ou de Suisse, paraît-il, et pèsent le
poids du cœur d'un veau. On en a plein la bouche, de leurs arômes juteux, tu
n'as jamais rien mangé de pareil, n'était-ce pas le véritable fruit de l'arbre
de la connaissance ? Il en est de plus petites aussi, entortillées autour d'une
canisse, qu'on peut cueillir entre deux doigts et déguster tièdes dans le
jardin. Ici la terre et l'eau sont des bénédictions, les mûres aussi s'offrent
à profusion.
Et les figuiers
embaument. Quand le soir tombe, la chèvre, le bouc et leur petit interpellent
le promeneur, tenté de leur ouvrir la barrière. Dans ce monde il n'y aurait pas
de prédateur et les hommes et les animaux vivraient en totale intelligence et
disponibilité. Les guêpes fouisseuses ne piqueraient pas la lectrice assise sur
son banc, la religion aurait été définitivement supplantée par la spiritualité,
le ciel aurait retrouvé sa clarté d'antan et les chouettes berceraient ton
sommeil.