lundi 15 juin 2020

le son d'une bassine en plastique vide

15 août
8ème jour ?

Le son d'une bassine en plastique vide tombant sur du carrelage, et tu pourrais te mettre à pleurer aussi bien. Ou pire, ce serait pire, des pleurs sans joie, terrifiés, sangloter à genoux sur le carrelage et savoir comme pour la première fois que les cœurs cessent un jour de battre, à commencer (ou à finir) par le tien. Comme une révélation. Qu'y faire ? Comment faire, sachant cela ? Pourquoi faire encore quoi que ce soit ? Tu aurais oublié d'un coup tous tes autres savoirs.
Au contraire tu rêves : tu es sur une plage face à la mer et peu à peu enfle une vague immense éclipsant l'horizon, lointaine encore, assombrissant le ciel. Tu cours vers la forêt, tu cours vers l'océan, tu cherches un rocher pour t'y abriter, tu regardes, fasciné, la vague progresser, tu ris des choix dérisoires qui te sont laissés. Tu vas être englouti et tu ris, tu es heureux, tu es ivre comme l'autre jour dans la montagne, tu appelles l'eau de toutes les cellules de ton corps.
Ici les tomates sont légendaires. Elles viennent de Russie ou de Suisse, paraît-il, et pèsent le poids du cœur d'un veau. On en a plein la bouche, de leurs arômes juteux, tu n'as jamais rien mangé de pareil, n'était-ce pas le véritable fruit de l'arbre de la connaissance ? Il en est de plus petites aussi, entortillées autour d'une canisse, qu'on peut cueillir entre deux doigts et déguster tièdes dans le jardin. Ici la terre et l'eau sont des bénédictions, les mûres aussi s'offrent à profusion.
Et les figuiers embaument. Quand le soir tombe, la chèvre, le bouc et leur petit interpellent le promeneur, tenté de leur ouvrir la barrière. Dans ce monde il n'y aurait pas de prédateur et les hommes et les animaux vivraient en totale intelligence et disponibilité. Les guêpes fouisseuses ne piqueraient pas la lectrice assise sur son banc, la religion aurait été définitivement supplantée par la spiritualité, le ciel aurait retrouvé sa clarté d'antan et les chouettes berceraient ton sommeil.