vendredi 11 décembre 2020

JC est assis à l'avant de son gourbi

11 octobre

Déjà plus de quarante-huit heures sans avoir rien pris, Charlotte n’est pas accro, c’est prouvé. Rien depuis qu’elle s’est fait vomir. Et elle n’est pas sortie de chez elle, y a-t-il un lien de non-cause à effet ? Même pas, chez elle il y aurait tout ce qu’il faut, à boire, à gober, à inhaler… Dans son portable des numéros de livreurs à domicile. Peut-être devrait-elle tout jeter, effacer les numéros, histoire de marquer le coup. Mais non justement, ce serait donner trop d’importance à ce qui s’est passé au Vestalia, et Charlotte ne veut pas traîner ce souvenir sa vie durant. Rien ne s’est passé de si déterminant, elle est une femme libre de ses décisions, elle ne dépend de rien ni de personne. D’ailleurs elle pourrait très bien s’offrir un petit stimulant si elle voulait, il n’y aurait pas de quoi l’interpréter autrement que comme une décision non moins mature et responsable que si elle préférait écouter un disque, se préparer une salade ou sortir prendre l'air...

JC est assis à l’avant de son gourbi, il regarde passer les gens. De la boîte à thé qu’il a placée à ses pieds dépasse un billet de cinq euros. Depuis combien de jours Charlotte n’a-t-elle pas entendu sa radio ? « Tu vas bien, JC ?

- Je me suis fait agresser l’autre nuit.
- Oh ?
- J’ai gueulé, le gars, je t’assure, ça l’a fait fuir. 
- Je n’ai rien entendu, je devais dormir. Qu’est-ce qu’il te voulait ? 
- Je croyais que c’était toi qui avais appelé les pompiers. Ils m’ont amené aux urgences, regarde. »  
Sa manche relevée révèle un impressionnant bandage au bras, un peu crasseux, Charlotte hésite à y voir du sang séché. JC semble fonctionner au ralenti, on a dû lui donner des anesthésiants. « Et ils t’ont laissé repartir ?
- Le gars il fouillait dans mes affaires, il était en train de me faucher mes chaussures de sécurité et d’autres trucs, j’ai gueulé, j’ai voulu l’attraper et il m’a planté.
- Il faudrait qu’on te change ton pansement.
- C’est rien, c’est la rue, c’est des choses qui arrivent.
- JC, c’était quand, il y a deux nuits, ils t’ont laissé repartir ? 
- Ça m’a fait chaud que tu aies appelé les pompiers, Charlie. Tu es un vrai pote. Et Ils ont été sympas aussi. »  
Elle se promet qu’elle l’accompagnera d’autorité dans un centre de soins s’il a toujours ce même bandage demain. Elle achète chez l’épicier des citrons verts, du sirop de canne, de quoi manger pour elle, une tablette de chocolat pour lui.