jeudi 18 novembre 2021

Comme un signal (2)

(23/n)

La maison est chaude quand ils la réintègrent. Tu veux bien, on laisse allumé sous le porche ? demande-t-elle en donnant un tour de clef. Rémi voit que ça la rassure, peu importe la logique qui préside à cet arrangement. Ils s’embrassent là, debout dans l’entrée.

--- [octobre 2020]

Toi aussi tu es sorti, la nuit dernière, marcher dans les rues désertes de ta ville. Il pleuvinait, cela faisait quatre jours que tu n’avais pas mis le nez dehors. Tu avais mal au dos, pour changer. Tu t’es demandé si tu pourrais prétendre que ta marche rapide, en chaussures félines, pourrait passer pour une séquence de jogging fractionné, au cas où une patrouille de police viendrait constater que tu respires sans masque. Sans doute pas. Tu t’es demandé comment on pouvait vivre dans la peur constante de la police. Sans papiers et très visiblement noir. Sans connaître la langue, sans trop de repères. Sans réelles perspectives. Affamé. Transi de froid. Épuisé. Tu n’as rencontré presque personne, excepté des silhouettes aussi fugitives que toi, qui savaient où elles se rendaient. Ton tour de quartier a légèrement excédé celui que tu faisais six mois auparavant, doté d’une attestation qu’il te répugnait autant à signer que t’avaient rebuté les chants d’une soumission militaire. Tu es rentré chez toi sans avoir décidé si la question majeure était celle de la douleur, de la mauvaise conscience ou de la colère.