(23/n)
Parce que le réel est toujours plus râpeux que les mots pour le décrire. Les sensations de froid et de saleté, par exemple, comment les rendrais-tu ? La pensée que tu pourrais mourir allongé sur un sol souillé, incapable de te relever, la joue entaillée par de petits cailloux ou des fragments de verre, et une ultime vision tel un terrain vague, goût de sang, odeurs d’urine. (À part cela, tu n’es pas morbide.)
Céline et Rémi ne cessent de s’étonner que leurs désirs soient synchrones. Comme circulaires, comme deux moitiés d’orange n’en faisant qu’une. (Céline a raconté à son compagnon la métaphore du Banquet de Platon, ce qui lui a semblé très concret, un kamasutra grec en une seule position mais aux possibilités infinies.) Ils ont simultanément envie l’un de l’autre, d’en revenir au corps trouvé de l’autre.
Mais pas tout le temps non plus, même au début de leur relation. Ils fonctionnent par séquences, mus par un même rythme pulsionnel. Ou bien l’un des deux s’ajuste-t-il imperceptiblement au désir de l’autre ? Le saurait-il même ? On est comme des femmes dans un couvent dont la période des règles s’harmonise, a plaisanté un jour Rémi. Céline quant à elle a le sentiment de chercher une réponse.