jeudi 25 novembre 2021

Comme une plante

(26/n)

[octobre 2020]

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Mais n’est-ce pas toi plutôt ? Qui te concocte un programme à base de soleil, d’eau et d’oxygène, comme une plante. Assis en tailleur dans ton lit, adossé à deux oreillers, tu as replié tes racines très loin du sol. Ta fenêtre est fermée, elle donne sur un ciel gris. Tu as un peu mal partout et ton corps s’illusionne à croire qu’en respirant le moins possible la douleur pourrait se dissiper. Mais dans quel air ? Confiné comme tu es, l’air et tes pensées ont tendance à tourner en boucle. De même que ta vie, accolée à ses vies héritées. Ou que la médiatisation d’un nouvel égorgement sur la planète. La mémoire d’une nuit de pogrom parisien cinquante-neuf ans plus tôt. Une nouvelle assignation à résidence. Tu disais dépérir lors du précédent confinement, comme on le dit d’une plante, et pourtant c’était le printemps. Cette fois il va s’agir de passer l’hiver. (Mais à ceci près, tu n’es pas d’humeur morbide, assurais-tu ?)

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Rémi apprécie d’être vivant, c’est une qualité qui le rend très attirant à Céline, on le sent toujours à proximité d’un rire. Elle aime l’ampleur de ce rire, comme il est bien formé, musical, concret. Les philosophes n’ont pas assez étudié le rire, ils pensent pouvoir s’en tenir au sourire de l’esprit. (Si elle voulait faire un cours d’anti-philosophie, elle citerait Bergson comme paradigme du sinistre.) Rémi a été pour Céline une découverte, au début une énigme : elle n’imaginait pas qu’on puisse mener sa vie en combinant comme il le faisait insouciance et pragmatisme. Ils se sont connus quelques années après NoLog, il travaillait comme ingénieur du son. De contrat court en contrat court, souvent en déplacement, elle trouvait cela exotique. Une version inattendue de la liberté. Dans leur maison il s’est aménagé un petit studio, il pense à remonter un groupe ; Céline a déjà trouvé le nom : Logos’Notes.