mardi 30 novembre 2021

L'ironie est un triste rire

(29/n)

(...)

Céline t’expliquerait Kirkegaard et tu changerais d’avis à son propos. Tu découvrirais la différence entre avoir de vagues idées sur les philosophes et être professeur de philosophie. Tu réfléchirais à la différence entre répétition, réitération et renouvellement. (Mais tu n’en démordrais pas : encore un penseur qui ne sait pas rire, et là Céline ne te donnerait pas tort : l’ironie est un triste rire.)

Y a-t-il une différence aussi grande entre un gratteur de guitare comme toi et un musicien ? Un vrai musicien sait se détendre quand il joue, il n’accuse pas son instrument. Doit-il y avoir une si grande différence entre composer des alexandrins avec hémistiche et écrire des chansons ? Tu aimerais prouver que non. Mais le fait est que tu as arrêté. À l’époque tu vivais un profond chagrin d’amour.

Ta douleur est idiopathique, apprends-tu. Cela te fait marrer en sourdine (car rire te fait mal), avec une bonne dose d’ironie. Il y a une différence entre consulter les sites de médecine et être médecin, en réalité c’est ta pathologie qui est idiopathique. Et il y a une différence entre l’hypocondrie douloureuse et une souffrance dotée d’une juste cause, ah ah, tu souffres mais tu n’es pas idiot.

(Ici, par "juste cause" tu entends juste "cause".) Il y a une différence entre souffrir du haut du corps et souffrir de tout le corps et de l’âme aussi. Il y a une grande différence entre se sentir malheureux et être perdu sur un chemin d’exil. Entre une réitération de douleur et l’aventure inédite d’un désespoir. Céline et Rémi sont amoureux mais il commence à faire froid dehors, même le jour, il pleut.