mercredi 3 novembre 2021

L'irrésistible esprit clubbing

(11/n)

La douleur est odieuse parce qu’elle se manifeste d’abord de façon localisée et anodine, avant de s’élargir, de s’amplifier, de croître démesurément, à une vitesse insensée et tu ne peux rien y faire, même te ramasser sur toi-même n’y change rien, tu sais seulement que cet élancement est inexorable, tu le sais dès le premier battement de travers et c’est davantage encore qu’odieux : pervers. Heureusement tu sais aussi que la crise est temporaire, dans cinq minutes tu pourras repenser à autre chose.

Tu pourras reparler d’amour. Tu ne serais pas sorti braver le froid, la pluie et les virus si ce n’avait été pour rejoindre cette femme si vitale à ton cœur. Elle t’offre un livre sous-titré Psychopathologie de l’amour, vous en souriez ensemble ; elle lit en ce moment les Lettres à un jeune poète. Il y a d’autres amis autour, masqués, quelque chose d’important vous a été ôté (les sourires explicites ?). Ce qui demeure est forcément nostalgique. Dans la rue un petit homme éméché, qui ressemblerait à ton père si celui-ci vivait encore et avait trente ans de moins, t’offre une cannette de bière.

Céline a décidé de se remettre à la course à pied. Elle connaît les chemins autour de la maison, la forêt, les deux petits lacs, les champs en jachère, pour les avoir explorés dès son emménagement ici avec Rémi. Ils couraient ensemble. Puis elle a préféré marcher. Et danser, parfois seule. Elle pense qu’il n’y a rien de plus ouvert, généreux, satisfaisant, qu’une danse distante avec ceux qu’on aime, à les frôler mais sans accaparement ni gestes imposés. Tu as l’esprit clubbing en pleine cambrousse, c’est irrésistible ! l’enlace Rémi.