samedi 4 avril 2020

dans son jardin elle ne compte plus les poules


4 juillet

Dans son jardin elle ne compte plus les poules, enfin si, à ta demande. Elles sortent de trois poulaillers distincts, qu’on rouvre au matin quand le renard est parti se coucher. C’est complexe, gérer les incompatibilités, les cruautés, les jalousies. Car il y a des coqs aussi, qui se crêpent la crête. Il y a des viols, des œufs à couver, d’anciennes pondeuses traumatisées qui ne pondent plus. Les canards sont faciles à compter, toujours ensemble tels deux jumeaux. Les chats vaquent ici et là, sept à domicile. Et un vieux chien de berger.
« Le mec, il est torse nu… avec une chaîne en or dessus… alors qu’il roule en vieille Twingo ! » s’esclaffe un adolescent en skate. « Virginie tu m’écoutes ? Ça commence à bien faire… Ma main va partir toute seule ! » morigène un père dépassé. Si tu penses "s’esclaffer" et "morigéner", c’est que tu es toi-même complètement largué. Ta propre chaîne en or supportait une médaille de baptême. Et tu ne te résous toujours pas à laisser dans ton assiette le moindre grain de riz, malgré le regard implorant des poules.
Souvenirs de faim ou d’éducation ? En liberté un caneton s’aventure sur le fleuve, aussitôt suivi par sa mère. Elle se tient à distance, attentive, sans interférer. Une main qui part toute seule, personne n'a jamais observé tel phénomène, en parler est faire aveu d’incompétence. Dans la maison d’à côté se tient un conseil de famille, ils n’en peuvent plus de cette basse-cour et de cette voisine qui raye les carrosseries avec ses hortensias fantasques, et qui en plus reçoit des hommes, on ne sait pas qui ils sont, d’où ils viennent !