mardi 28 avril 2020

j'ai toujours ce sourire trop grand


28 avril

J’ai toujours ce sourire trop grand sur les photos, bizarrement arrondi, comme si je ne savais pas quoi faire de mes dents. Le corps un peu de travers, qui lui aussi est trop grand, on dirait que je m’efforce de rentrer dans le cadre. Tout cela a été rectifié quand on m’a disposé dans le cercueil. Les paupières baissées, même s’il n’y a pas à ma connaissance de photographie de moi endormi. Mais plus calme, assurément. Sur mes photos de voyage on devine que j’ai bondi pour devancer le retardateur, et qu’après le déclic j’ai recommencé à m’agiter dans tous les sens. Les amis immortalisés à côté de moi semblent plus tranquilles, me trouvaient-ils fatigant ? Avaient-ils hâte que je reparte ? J’avais promis de rester en contact. Les enfants m’aimaient bien je crois, on rigolait tout le temps. C’est étrange de savoir qu’on est mort, mais plus encore de regarder depuis l’autre bord ce à quoi l’on ressemblait quand on était vivant. Je manquais d’objectivité. Je veux dire, même avec cette drôle de dégaine j’étais l’un des leurs, un être humain. J’avais le droit de vivre, j’aurais dû le savoir. C’est dommage.