28 avril
J’ai toujours ce sourire trop grand sur les photos,
bizarrement arrondi, comme si je ne savais pas quoi faire de mes dents. Le
corps un peu de travers, qui lui aussi est trop grand, on dirait que je
m’efforce de rentrer dans le cadre. Tout cela a été rectifié quand on m’a
disposé dans le cercueil. Les paupières baissées, même s’il n’y a pas à ma
connaissance de photographie de moi endormi. Mais plus calme, assurément. Sur mes
photos de voyage on devine que j’ai bondi pour devancer le retardateur, et
qu’après le déclic j’ai recommencé à m’agiter dans tous les sens. Les amis
immortalisés à côté de moi semblent plus tranquilles, me trouvaient-ils
fatigant ? Avaient-ils hâte que je reparte ? J’avais promis de rester
en contact. Les enfants m’aimaient bien je crois, on rigolait tout le temps.
C’est étrange de savoir qu’on est mort, mais plus encore de regarder depuis l’autre
bord ce à quoi l’on ressemblait quand on était vivant. Je manquais
d’objectivité. Je veux dire, même avec cette drôle de dégaine j’étais l’un des
leurs, un être humain. J’avais le droit de vivre, j’aurais dû le savoir. C’est
dommage.