lundi 6 avril 2020

ou alors il faut s'efforcer d'oublier


6 juillet

Le monde est beau si tu n’as aucune conscience des pollutions que l’homme lui assène ni des crimes qui s’y déroulent. Ou alors il faut s’efforcer d’oublier. Et les petits bateaux de pêche ne brûlent plus des tonnes de gasoil pour épuiser jusqu’à la lie les fonds marins, et les rochers ne portent pas la trace d’anciennes marées noires et de réguliers dégazages, et l’océan lui-même n’est pas le tombeau de milliers d’immigrants abandonnés à leurs tortures, et la canicule est simplement synonyme de bel été, et la crème antisolaire dont tu te badigeonnes ne tue pas à petit feu, et l’eau que tu bois à la bouteille ne plastifie pas tes intestins, et il y a encore un avenir, et on s’en sortira toujours, et nous serions amoureux, et rien d’autre n’aurait plus d’importance…

- Un ciel sans nuages c’est une moitié de mer en moins…
- Bon, c'est pas bientôt fini ? Profite !

            Sauras-tu distinguer le cri d’une mouette rieuse du rire de cette femme joyeuse ? Ce rire ! Ce grain de folie. Comme on doit l’aimer. Ou la détester – Tu nous embarrasses tous, sois plus discrète !
            Alors tu vas te baigner dans l’océan, une dernière fois. Nager, ton corps doucement soutenu – rêve de fœtus prenant le large, partant à l’aventure, insouciant. Puis ton ombre bien découplée sèche à la verticale.
            Une dernière fois les falaises et le soleil couchant. Solliciter ce qu’il te reste de tolérance car tu as beau t’éloigner du fest-noz aux sardines grillées, les échos d’un biniou amplifié te suivent. Ta tolérance se mue en indulgence. Tu croises un beau regard.

Le désespoir, apprends-tu, n’est qu’une vue de l’esprit.