5 juillet
Comparaison de doléances, échange de
politesses : « Cela a dû être difficile pour toi, moi au moins
c’était simple – ma mère avait tenté de me tuer. » Comment en vient-on à
formuler entre la darne et les œufs au lait un tel énoncé paisible ? On dirait
une réflexion post-mortem – telle fut la vie que j’ai vécue – mais sans doute
est-ce juste ce ton particulier qui est l’apanage des survivants. Et toujours
un choix de révélations plutôt que d’autres, des baobabs qui masquent un
taillis de ronces, d’autres inquiétudes tellement plus vivaces qu’on ne songe
même pas à s’en dépêtrer par des questions au lieu de confidences.
Entre les nids de guêpe dans la terre
du sentier et la friabilité du rivage, où poser le pied ? Entre les
nudistes mateurs et la plaque de mazout, où se baigner ? Entre les poules
du jardin (et leurs petits noms) et le poulet au four (anonyme), que
reluquer ? Entre deux postes de télévision dans les chambres mitoyennes,
quelle oreille aplatir sous l’oreiller ? Entre le son des téléviseurs et
le chant d’un oiseau vespéral dès que tu ouvres la fenêtre, le choix est aisé,
mais entre le son des téléviseurs et le vrombissement du moustique entré par la
fenêtre ? Entre rêves et cauchemars, entre réveil trop tôt et réveil trop
tard…
Ah mais en fait de mazout c’était de la
tourbe ! De la bonne tourbe bien noire, ruisselante, compacte, surgie de
sous un repli de sable. Ah mais en fait de guêpes c’étaient des abeilles
maçonneuses, sauvages, un peu solitaires, menacées (comment mieux signifier la
menace qu’en s’enfouissant dans un trou ?). Et l’un des canards jumeaux
est plus gros que l’autre. Et les chats ne mangent pas les poussins. Et les
poules savent attraper au vol les frelons. Et le chien n’est pas si vieux ni si
baveusement affectueux. Et trois faucheux ont échappé au balai. Et la pluie, si
brève fut-elle, a complètement délavé le ciel.