30 avril
Qu’aurais-tu fait à sa place ? Déjà, te serais-tu
rendu à la convocation ? Mettons. À la réceptionniste tu aurais décliné
ton identité, le nom du "référent" en charge de ton dossier, sur le
registre tu aurais coché une case, signé. On t’aurait dire d’attendre. Là, tu
aurais fait comme lui, plutôt que de t’asseoir misérablement sur une chaise et
de feuilleter des prospectus citoyens tu aurais passé la porte-fenêtre pour
sentir le soleil sur ta peau dans la cour intérieure du bâtiment. On serait
venu te chercher, on t’aurait prié de t’asseoir dans un minuscule bureau,
l’ordinateur entre toi et ton référent. Il aurait parcouru à voix haute ton
dernier "contrat d’engagements réciproques". Aurais-tu commencé à soupirer ?
On t’aurait demandé un "bilan des actions réalisées", la définition de nouveaux
objectifs (verbes à l’infinitif s’il vous plaît), au bout d’une heure de
formulations par défaut tu aurais été invité à signer les engagements
réactualisés… Mais aurais-tu tenu une heure ? Qu’aurais-tu fait ? Te
serais-tu peu à peu tassé sur ta chaise, te serais-tu répandu en sarcasmes, aurais-tu
renversé la table et claqué la porte ? Aurais-tu clamé Je vous
emmerde ! Je suis un homme libre ! Je ne rentrerai pas dans vos
cases ! On t’aurait radié. Tu serais reparti dans ta montagne, à faire des
économies sur tout, à bidouiller à droite à gauche, à te bousiller le dos pour
quelques billets donnés de la main à la main. Le soir tu aurais continué à
écrire des poésies sur l’amour et l’insoumission. Peut-être serais-tu devenu un
modèle pour le citadin pauvre, lui-même au bout de sa longe ou de sa corde de
pendu – allocataire.