La plage est fortement pentue, met en garde un panneau planté parmi les oyats, ce qui n'est pas pour déplaire à Binh-Dû qui espère ainsi poursuivre l'entreprise de détorsion entamée au matin sur son thorax par un kiné breton plus accablé par l'ampleur de la tâche que s'il s'agissait de couper en dés un potiron cru avec un canif. Si mon épaule droite est plus haute de deux ou trois doigts, en balançant mon épaule gauche je devrais gagner un demi-doigt ? Espère-t-il. T'en foutrais. Ce n'est pas une question d'attitude, peu importe qu'il roule les mécaniques d'un bord sur l'autre ou de l'autre bord sur l'un, les flics devisent tranquillement entre eux devant le magasin de produits régionaux. Ils ne soupçonnent pas le couteau dans la poche extérieure.
C'est égal de lancer une nage indienne par le bras droit ou gauche pour plonger dans le sommeil. Quoiqu'il fasse, Binh-Dû pâtit de son profil scoliotique, ses plis tordus tridimensionnels. Qu'y faire ? Le vent et le sable descendent avec la mer, paraissant atténuer la courbure de la plage. Le soleil suit le mouvement, jaune. A tel point qu'il disparaît complètement derrière l'horizon des arbres, sur la rive opposée de la baie. C'est l'heure du chat, qui se love d'une façon inimitable dans l'ovale de son panier, l'une de ses oreilles reste à l'affût d'un son de croquettes. Du chat, qui se relève pour imprégner nos chevilles de son attente, s'écarte de la main caresseuse. Maître du jeu, il glisse son museau, sa tête puis son corps cambré sous un repli de drap.