Elle conclut sa traversée du passage piéton par une pirouette, bras en arceaux au-dessus de la tête. Voilà, c’est mieux ! se réjouit-elle, et Binh-Dû se réjouit de concert. Vous étiez à la patinoire ? poursuit-elle dans le dos du cycliste qui l’a regardée comme si elle était saine d'esprit, et celui-ci lance à contre-vent une réponse idiote, Non.
Cela me fait plaisir de te voir, l’accueille son amie parisienne, l’une des dernières à n’avoir pas migré. Mais peut-être est-ce Binh-Dû qui le premier avait annoncé quelque chose comme Je te verrai avec grand plaisir, leurs formulations sembleraient affectées s’ils ne les pensaient pas vraiment. Tous deux ont mal au dos.
Ils remontent la rue pavée jusqu’à une crêperie réputée où il ne se souvient pas de s’être jamais assis sur un de ces charmants tabourets rembourrés. Si les tabourets appellent le rembourrage, se dit-il, alors le taboulé suggère la rémoulade. Il lui fait goûter ses tomates provençales, elle sa glace vanille. Ils aiment à dire Oui.
La conversation glisse d’un sujet à l’autre, la poésie des corps, le déferlement des vagues. Elle prévoit de se faire retirer un petit morceau de cartilage qui lui coince un nerf. Dans son sac il a apporté des fragments de caramel aux noisettes, dont la surface évoque des plaques de glace arrachées aux banquises.
Ils se séparent devant la station de métro, À bientôt.