Tu sens monter l’éblouissement, il ne sert à rien de
résister. Il serait vain de grappiller encore quelques images, celles qui
seraient les dernières, qui s’inscriraient sur ta rétine une bonne fois pour
toutes comme une ultime photographie, un tableau achevé, une allégorie de tout
ce qui appartiendra – appartenait, appartient – définitivement au passé. Non,
arrête-toi, ferme les yeux, vois ton souvenir immédiat tel qu’il fut : une
rue pavillonnaire, des voitures garées, des arbres de bordure. Observe la
montée de la lumière, un point central au début, qui s’élargit aux dimensions
de ton cerveau, qui irradie d’une intensité solaire. Les couleurs varient selon
la pression de tes paupières sur les globes oculaires, c’est aussi parfaitement
indolore que si tu étais couché sur ton lit de mort. L’apex hésite entre deux
aventures opposées. Puis l’ombre revient, tel un nuage, une ambivalente
déception. Quand tu rouvres les yeux, la rue est toujours là, tu peux avancer.
Tout semble recouvert d’un pollen fleur de souffre. Et la question demeure,
tandis que tu regagnes un point de départ : cherches-tu des raisons pour
l’ailleurs ou des raisons pour ici ?