Le froid
n’est pas le froid tant qu’il n’atteint pas les os. La faim n’est pas la faim
tant que tu n’éprouves pas un bonheur halluciné. La soif n’est pas la soif tant
que tu peux penser à ton prochain mouvement. Le désir n’est pas le désir tant
qu’il n’a pas été déçu. La peur n’est pas la peur tant qu’elle n’est pas
devenue panique. L’amour n’est pas l’amour tant qu’il n’est pas éternel. L’espoir
n’est pas l’espoir tant qu’il n’est pas déjà un peu trop tard. Mais qu’as-tu
besoin de définitions négatives ? Bois ton thé, épluche ton orange. Et
sors de ta maison !
Ce n’est
pas sans risque, certes. Les rues pavillonnaires sommeillent, désertes en plein
jour, c’est l’heure de la sieste. Un meurtre s’y commettrait en terrain
propice, de même que les virus s’épanouissent entre deux saisons. Penses-tu.
Soudain, une bille de plomb frappe la palissade du jardin que tu longeais, à
quelques centimètres près, tu perdais un œil. Les fenêtres alentours ne
laissent rien deviner d’un tireur embusqué. Tu ne cries pas à l’assassin, tu
t’enfuis comme un étranger, dans le ciel les étourneaux forment une consolante
murmuration.