On
l’emmène voir des arbres. Il y en a beaucoup, pour qui n’a pas idée de ce que
peut être une forêt. Ce ne sont que des arbustes mais lui-même n’est encore
qu’un enfant. Il s’émerveille de peu (ou il sait voir grand dans le peu). Il y
a des odeurs d’humus qui flottent dans l’air. Ses bottes dérapent dans la boue,
une fille crie dans ses oreilles, un garçon lui donne un coup de poing dans le
bras. Les adultes crient aussi, pour qu’ils avancent calmement vers les ruches
et le monsieur en combinaison blanche qui les enfume. Derrière leur groupe, il
y a un autre groupe qui attend.
C’est
l’instruction en troupeau. Quand as-tu pris conscience que tu faisais partie
d’une génération que les générations précédentes veillaient à contrôler ?
Quand as-tu su qu’il n’y avait rien de bon à attendre d’une obéissance irréfléchie ?
Tout va mal, te plaindras-tu alors que la mer remonte lentement et que le
soleil descend, alors que rien ne t’oblige à demeurer sur place dans la douleur
d’anciens atermoiements. Tout va bien, prétendras-tu à voix chuchotée dans la
bibliothèque, alors même que tu retiendras une sourde colère. Derrière toi, ton
jumeau halogéné s’impatiente.