Mais
pour guérir il faut suer. Pour suer il faut boire. Pour boire il faut se lever.
Pour se lever, il faut en trouver l’énergie. Pour l’énergie il faut le désir,
la peur ou le devoir. Binh-Dû voit un cheval gris marcher dans la forêt,
encolure baissée. Le cheval ne le voit pas beaucoup mieux qu’un arbre. Il est
vieux, le cheval, et les arbres n’ont pas d’âge, sinon pour ceux qui les
tronçonnent. Si tu retirais ce qui encombre tes oreilles, tu ne serais plus
aussi sourd. Si tu cessais d’attendre en tailleur l’amour. Le soleil tape sans
précaution aucune, la faim hésite.
Mais
pour guérir il faut ne pas manger. Pour ne pas manger il suffit de rester
couché. Pour rester couché sans manger il faut vivre seul, et le lit est
pourtant un champ de bataille. Binh-Dû ignore ce qu’il dirait si tout un
patrimoine de métaphores n’engluait le langage commun. Quand un cheval avance
dans la forêt, les naseaux frémissants au-dessus de l’humus, un soldat suit à
pied – ou une jument précédait. Tu n’es ni un homme-cheval ni un homme sans
cheval. Tu retiens ta hâte avec ta tristesse. Et si pour changer, vite tu
guérissais ?