À la fin, tu ne comprendras même plus le désir. (Tant que tu
comprends le désir, ce n’est pas la fin.) Alors qu’au début, souviens-toi, tu
étais tenaillé par l’obsession sublime, telle une tension constamment à fleur
de peau. (Quiconque comprendrait le désir serait en grand danger de ne plus le
ressentir.) Tu courais dans les escaliers de la grande maison, de la cave au
grenier, cherchant des recoins, trouvant des trésors, tu t’enivrais de sueur et
d’humeurs, tu volais des images époustouflantes d’exotisme, tu recréais
l’alchimique magie des mots. (Croire que l’on comprend est moins
périlleux ; mais s’indifférer de comprendre ou non, voilà ce qui t’aura
manqué.) On continue à te poser des questions, mais de quoi parles-tu depuis
que ton impératif premier n’est plus de noyer le poisson ? (À la fin on te
demandera si tu as bien dormi, et le seul désir que tu percevras sera celui
d’une réponse positive, soit un déni de toute ta personne, hors calcul de
commodités.) Dans ta solitude retrouvée tu évalues le rapport entre potentiels
bénéfices et potentiels préjudices – si un brochet en est capable, pourquoi pas
toi ? (Le désir est une avidité.) Au doigt levé. Souviens-toi, il
s’agissait de réagir vite. (Mais je t’en supplie, n’abdique pas devant les
algorithmes.)