Dans la ville personne ou presque ne pense plus aux fleurs,
ou alors comme à des objets utilitaires de moyenne qualité. Ces fleurs-là
poussent sur le pétrole. Les voitures-balais sont escortées par des soldats
marchant au pas, devant eux s’éloigne, désabusée, une rumeur non moins rythmée.
Les bris de glace scintillent sous l’averse et le soleil qui perce, comme
soustraits à la banque. Un chien dessine avec ses entrailles des arabesques sur
le macadam, d’une écriture coquelicot. Depuis les fenêtres des étages
supérieurs on rigole un peu nerveusement, et on se replie à l’intérieur quand
une caméra pivote. Derrière les palissades de chantier une grue se tient
immobile, elle défend les statues de grands hommes de pierre ébahis par leur
postérité. L’avenue, resserrée la veille encore par une toute neuve piste
cyclable, exhibe à présent ses pavés. Les gens avancent à contre-sens dans le
flux coordonné d’une foule, quelques rares oiseaux survivants observent l’agitation
avec attention. Mais toi tu n’as pas le temps. Tu cours au-devant de l’averse
afin qu’elle cingle plus fort ton visage. Tu tends aux assassins le bâton pour
se faire battre. Tu leur souris aimablement, ils te renseignent. Si perdus
semblaient-ils, tu repars avec tous tes doigts.