lundi 16 avril 2018
16 avril
« À l’hôtel, on s’occupe de toi », soupire une femme en
passant sous les arbres sans les voir, son regard minimal est fixé devant elle
comme un faisceau de phares qui n’ira pas baguenauder sur les côtés. Il fait
grand jour, les réverbères gaspillent leur énergie en un vague souvenir de
lumière jaune, à peine ce qu’il faudrait pour ne rien heurter devant soi. Le
mari est un angle mort, une présence à portée de bras, un déhanchement jumeau
et fatigué, jambes droites, jambes gauches. Elle ne le voit pas, n’entend pas
davantage – son mari ne trouve rien à répondre mais les oiseaux si, elle ne les
entend pas. Elle ne respire pas le parfum des fleurs. Sa respiration semble
accaparée par l’amertume et les infaillibles déceptions. Son mari entend-il,
lui, à quel point il n’est qu’un homme de circonstances ? S’il n’était pas
là, elle penserait à l’identique, voix rentrée. S’il n’était pas son mari, un
autre aurait aussi bien ou mal fait l’affaire. Ce qu’elle veut, c’est que
« on » s’occupe d’elle. Quelqu’un qui doive s’en charger par contrat –
social, marital ou de servitude. N’importe qui. Au besoin on le paie. Le
« on » qui paierait, guère plus incarné que le « on » acheté,
est ce « toi » qui n’ose se dire « moi ». Que quelqu’un
s’occupe de moi ! Binh-Dû se croit plus exigeant.