Il est des visages et des corps qui inspirent à Binh-Dû un sentiment de
déjà-connu. Non que les personnalités qui les habitent soient prévisibles, ni
même que des souvenirs associés parasitent une relation nouvelle, cela puise
plus loin, dans le creuset des compréhensions relatives où l'on conforte ses idées reçues.
Il est d’autres êtres qui ne ressemblent à personne à qui les comparer.
Ils sont à part, peut-être plus composites que le commun de nous-mêmes. Binh-Dû
les scrute avec une attention particulière, où réside la beauté ? se
demande-t-il, paraphrasant un Allemand célèbre dont il a oublié le nom. Où
réside le désir ? Il finit par trouver.
Parfois il y a évidence, le visage rayonne, le corps est une exultation
pour le regard. C'est presque trop facile. Binh-Dû est troublé par l'attirance qu'il éprouve à l'égard de ceux que leurs gênes déjà
favorisent. Ce qui n’est pas facile, c’est
constater qu’on n’est pas pour l’autre une évidence réciproque. Ou même un bon a priori ?
Ce qui ne serait pas facile, ce serait d’être entouré de multiples
évidences simultanées, heureusement pour Binh-Dû cela ne lui est jamais
arrivé. Peut-être y est-il pour quelque chose, finalement, élaborant ses
évidences a posteriori, disciplinant
ses dilections, choisissant en somme. L’une parmi toutes. Le temps de l’une.
Mais quitte à établir trois catégories différentes de visages et de
corps, une quatrième catégorie pourrait bien se frayer son chemin, puis une
cinquième, une sixième, une septième, une huitième, une neuvième – oui, Binh-Dû
tire à la ligne... Pour en définitive ne plus savoir, comme une souhaitable qualité
de regard.