La beauté, la laideur, intérieure, extérieure, quelle affaire. La
meilleure façon d’observer des gens télégéniques consiste à regarder la
télévision. Certains sont moches et deviennent beaux. D’autres sont de parfaits
imbéciles, ce qui devient patent dès qu’ils se mettent à parler. On ne dirait
pas, à simplement les regarder. On pourrait presque les admirer. À ce
compte-là, autant choisir une chaîne où défilent des mannequins. Tant de
finesse dans les courbes, les regards, le cœur et l’esprit supposés, un si bel
échantillon d’humanité mutique.
Binh-Dû, qui ne se prend pas sérieusement pour un imbécile – ou alors
très imparfait – ni pour un parangon de laideur, a le sentiment qu’il y a lui
d’une part et l’espèce humaine d’autre part. Des êtres banals, abominables, exemplaires.
Des fous avérés – mais même d’eux il ne peut se sentir frère. Ce qui le
distingue de ses (non-)semblables, croit-il, c’est son exceptionnelle faiblesse
cohésive : son « je » formel ne trouve pas où se fixer, ou
comment. Ainsi Binh-Dû à nul autre pareil est Dieu, comme tout fou qui se
respecte.