À son lever, Binh-Dû lit l’histoire du moine qui veut sauver du temple
en feu une statue de Bouddha qu’il charge sur son dos, si grande qu’elle reste
bloquée en travers de la porte, rien à faire, tirer, pousser, lui pourra
s’échapper mais pas elle. (Et l'on voudrait persister à parler du Bouddha en disant "elle", d’abord en vertu de la féminité du sourire, ensuite en raison du désir ardent du moine de garder la statue au plus près de lui.)
Il n’est pas question de volonté et de désir dans cette histoire, il y
a beaucoup de choses dont il n’est pas question ici. En fait, toutes les
questions relatives à cette histoire sont des chausse-trappes, des réduits aux
portes trop étroites.
Dans la journée, Binh-Dû s’en va prendre livraison d’un colis en
attente, dont le poids rend hasardeuse l’entreprise de ligotage à l’extérieur
de son sac insuffisamment grand, puis le hissage du sac, alourdi du carton,
sur ses épaules. Ainsi chargé, il se promène le long du canal, à pied, à
vélo, il va au cinéma, il rentre chez lui à la nuit. (Le colis renferme des
objets qui lui sont précieux mais ce n’est toujours pas la
question.)