La terre est craquelée par manque de pluie,
si Binh-Dû focalise son regard à ses pieds il peut se croire en Afrique. Un
VTTiste le frôle en ahanant, courbé sur sa machine. Sur les pistes du Dakar il
n’y aurait eu aucun survivant. Plus le VTTiste s’éloigne, plus il ressemble à
un zébu bossu (Binh-Dû plisse les yeux face au soleil).
Les arbres laissent encore filtrer les rayons
obliques, de jour en jour leur feuillage s’épaissit. Ce déploiement végétal est
presque imperceptible à l’œil nu, mais on peut le respirer.
Surtout à l’approche du soir, la nuit même est enivrante, et à l’aurore ?
À l’aurore, Binh-Dû dort. On n’en est pas là. Il se dirige vers le palais de
marbre rose.
Tant de beauté créée par de si odieux
personnages. Deux couples élancés le précèdent à présent dans la rue. Ils
sont grands d’être bien nés (dit-on). Bien nourris, bien vêtus. L’une des
femmes balance les épaules en marchant, lentement, en parfaite synchronisation
avec ses hanches. Maîtresse d’elle-même. Binh-Dû en tomberait amoureux.
Comme de cette fille à l’époque du collège
dont la nuque exposée était un paysage de steppe où elle-même était léopard
femelle. Ce n’était pas sexuel, c’était corporel. La lune est pleine avant même
que l’obscurité soit faite. Où que Binh-Dû se tourne, elle lui indique la
direction. Il vient de comprendre le secret de la Joconde.