Binh-Dû
aimerait que rien ne disparaisse jamais de ce qui lui plaît. Souhait immature,
il en est conscient. Les publicités promettent de l’illusion à crédit, un
perpétuel renouvellement de l’éternité. On veut les croire, tous autant que nous
sommes, à des degrés divers, comme en un dieu susceptible, ou un sorcier
imprévisible. Internet est devenu dieu
sorcier, mais dans la toile sans cesse plus étendue à mesure que
s’expand l’univers sont dissimulés des trous noirs. Par où se réaffirme la
mortalité.
Déjà deux
moustiques s’en viennent vrombir entre les quatre murs de Binh-Dû. Ils sont en
avance, non ? Il laisse les fenêtres ouvertes la nuit, il a trop chaud
sous la couette. Une révolution orbitale a été rondement menée, une fois de
plus, pour aboutir à ces retrouvailles : bientôt mai, l’été, les
vacances... Avant d’envisager à nouveau l’automne. Binh-Dû pourrait s’offrir
aux piqûres mais pour cela il lui faudrait être mature. En deux précis
claquements de mains il retarde la progression du temps.
Car
distinguer la sensibilité de la sensiblerie n’est pas seulement une prise de
position esthétique. Que se passe-t-il lorsque Binh-Dû pleure devant les
vrais-semblants d’une actrice de cinéma, est-ce regret des amours perdues, gratitude
non moins éperdue, reconnaissance de fraternité ? Ou bien est-ce de
plaisir comme un impromptu sanglot de jouissance ? Et pourquoi essuie-t-il
ses yeux d’un revers de main, pourquoi cette défiance face au jugement qui
pourrait germer d’un épanchement de tendresse lacrymale ?