Le voisin de Binh-Dû a invité une copine chez lui, leur degré
d’intimité semble déjà assez élevé puisqu’il la laisse manier son joystick
tandis qu’il étend du linge sur le balcon. Il lui prodigue des conseils, et
c’est force exclamations, rires, moqueries affectueuses, épanchements transitionnels...
Conclusion abrupte. Aux jeux de combats mortels, peu importe qu’on ait tranché
le cou à d’innombrables guerriers, on meurt aussi à la fin.
Sur la pelouse, des enfants maltraités pleurent d’énervement et de
résignation. Ils progressent à grand pas vers la vieillesse, tels enfants, tels
parents, d’ailleurs ceux-ci sont déjà tombés dans le puits de leurs principes
éducatifs. Il faut les voir, traîner une trottinette par sa poignée sur les
graviers, renvoyer le ballon comme des chiens rhumatismaux, faire semblant
d’être fâchés, oui on parle toujours des parents. Vouloir être ailleurs. Ne
savoir espérer une vie meilleure.
Les vieux ne pleurent pas, ils ont froid malgré le soleil. Au soir
tombant ils rentrent chez eux, allument la télévision. Ils se préparent quelque
chose pour le dîner, une soupe. Au-dessus de leur tête tournoie un hélicoptère
en vol plus ou moins stationnaire, est-ce encore à cause des terroristes ?
À qui téléphoner pour se plaindre ? Binh-Dû se demande si au fond des
caves on entendrait exploser les bombes.