mardi 24 avril 2018

24 avril

Que signifie « rencontrer quelqu’un », se demande Binh-Dû. Il y a une expression consacrée, riches en sous-entendus, « j’ai rencontré quelqu’un », ah bravo, félicitations, comme s’il n’y avait pas des milliards de quelqu’uns à rencontrer de par le vaste monde ; ou au contraire comme s’il suffisait d’échanger trois mots et une ébauche de désir avec un(e) inconnu(e) pour prétendre l’avoir rencontré(e). « Tu as rencontré quelqu’un ? » Formidable, cela me fait bien plaisir, mais est-ce à cela que se mesure l’ingéniosité humaine, rencontrer quelqu’un, la belle affaire ! Toujours cette satanée méfiance envers l’autre, qu’entaille à peine la litote du quelqu’un. « Tu devrais voir quelqu’un », entend-on aussi, mais qui, un(e) amant(e), un(e) psy, ne pouvons-nous pas nommer un peu plus précisément l’objet de nos aspirations ? À moins qu’il n’y ait équivalence ? Ou défaut – si nous ne manquions pas tant d’amour, irions-nous voir un psy ? (Et s’agit-il vraiment de voir ? Voire même de parler ? De baiser ?)
Binh-Dû a rencontré une femme séduisante, ils sont convenus de se revoir. Ils parleront, ils boiront un verre chacun à une table de café, des « consommations », dit-on. Binh-Dû pense qu’il n’y a pas de limites à son désir de rencontrer de belles personnes sur la planète, il voudrait vivre éternellement, et continuer de ne pouvoir lire tous les livres et de collecter autant de joie qu’il s’en présente. Mais aussitôt se rappelle-t-il à la plus déterminée des lignes de sa main, la tristesse l’assaille, car l’avenir possible ravive le passé impossible. Rencontrer quelqu’un lui apparaît comme une cruelle invitation à ne plus désirer que revienne dans ses bras celle qu’il aimait. La réalité du futur bouscule celle d’hier. Et entre les deux oscille le présent. Un présent qui « ne se refuse pas », ainsi que le serine cette fichue pusillanimité langagière... Mais vous n’êtes pas un peu fatigués de contourner sans arrêt la simplicité – au point de refuser le refus ? Acceptez enfin, soyez affirmatifs ! Conclut-il provisoirement.