C’est pas grave, répétait l’homme comme un mantra, et de fait, dès lors
qu’on a survécu à un génocide, les contrariétés du reste de la vie ne paraissent
pas mériter qu’on s’y désole outre mesure. On s’adapte, on continue à
s’acclimater tel un palmier en exil, on tire son temps comme une peine,
longuement, sans se presser.
C’est le moment pour Binh-Dû d’être Binh-Dû. En butte à un vague à
l’âme conjoncturel, d’un côté plus humain, d’un autre plus distant. Il y avait
une femme qu’il aimait et qui l’aimait, et c’était bon. Cela faisait du chaud
au cœur. Mais vient à présent le jour de la rupture – amoureuse –, d’une
amoureuse rupture.
Sur l’échiquier un pion s’est avancé sans qu’il y ait de retour
possible – définition possible du mouvement. Regret de la partie courant au mat
ou à la nulle perpétuelle ? Binh-Dû en tant que tel ne ferait aucun
commentaire, il observerait, serein. Il sourirait même, si on lui demandait si
l’affaire est douloureuse.